Faut-il adapter le coût des aliments à leur «vrai coût» pour l'environnement et la santé? Une idée séduisante mais dangereuse.
Et si vos pommes étaient vendues moins cher, parce qu’elles sont saines? Et votre steak de bœuf majoré de 125%, pour tenir compte de son coût environnemental? C’est ce qu’on appelle le «vrai coût» de l’alimentation. Nadia El Hage, spécialiste de l'écologie alimentaire, a travaillé sur ces questions à la FAO pendant plus de trente ans. Elle y voit un dangereux mirage.
Pourquoi on en parle maintenant. Alors que la COP27 bat son plein, l’impact de l’alimentation sur le climat est de plus en plus décrié. Plusieurs sessions présentent des projets autour du «vrai coût de l’alimentation». Celui-ci est présenté comme la solution pour rendre les systèmes alimentaires plus durable.
Le «vrai coût», kézako? Le principe du «vrai coût» dérive de la «comptabilité du vrai coût» (ou TCA pour True Cost Accounting). Il s’agit d’une méthode qui prend en compte les coûts cachés d’un produit, alimentaire ou non, de sa production à sa consommation.
Sont pris en compte, en plus des coûts financiers engendrés par la fabrication et la transformation du produit, les impacts environnementaux, sociaux et sanitaires tout au long de sa chaîne de production.
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Ce concept a pris son envol depuis le Sommet sur les systèmes alimentaires organisé par la FAO en 2021. Les recherches se multiplient sur le sujet, des organisations et entreprises tentent de mettre en place ces modèles de calcul, et certains gouvernements commencent à tendre l’oreille.
Bref, l’idée fait son chemin. En allant au bout de la logique, de plus en plus de voix se font aussi entendre pour que les coûts cachés estimés par le TCA soient répercutés sur la chaîne de production, et ce jusqu’au consommateur final. C’est là que les discussions sérieuses commencent.
Heidi.news – Implémenter la «comptabilité du vrai coût» (TCA), cela veut dire augmenter les prix de l’alimentation?
Nadia El Hage – Le fait que certains transforment l’idée de «vrai coût» en «vraie valeur» ne me plaît pas. Ils vont automatiquement à la monétisation, qui pourrait être interprétée comme une hausse des prix des denrées alimentaires. Pour moi, c'est une erreur. On ne fait pas le TCA pour faire payer plus, mais pour prendre de meilleures décisions. Si on augmente les prix, automatiquement, on marginalise les gens les plus pauvres. Il suffit d’arrêter de donner des subsides aux modes d’agriculture qui font du mal à l’environnement et aux personnes, pour qu’automatiquement les pratiques néfastes soient plus chères.
Si on augmente les prix suite au TCA, tout le monde va tricher pour pouvoir vendre plus cher leurs produits. Il y aura inévitablement des effets collatéraux.
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«C’est une erreur de vouloir refléter le vrai coût des aliments sur les prix de vente» - Heidi.news
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