Un cacao certifié équitable ou une huile de palme étiquetée durable garantissent-ils que l’aliment lui-même est issu d’une exploitation labellisée ? En général, oui. Mais pas toujours. Explications.
Espérant soutenir les petits producteurs, vous cherchez peut-être sur votre paquet de café le logo vert et bleu du label de commerce équitable Max Havelaar ; pour sauver la forêt et les orangs-outangs de Bornéo, vous optez parfois pour un chocolat portant la petite grenouille du label environnemental Rainforest Alliance, ou pour une pâte à tartiner portant le sigle RSPO (Roundtable on Sustainable Palm Oil) pour l’huile de palme (1).
Afin de corriger les travers du commerce mondial, plusieurs certifications labellisent des cultures issues de plantations censées appliquer de bonnes pratiques agricoles ou sociales. En général, les aliments qui affichent ces logos proviennent directement de plantations labellisées. Mais ce n’est pas toujours le cas, et ce, sans contrevenir aux cahiers des charges. En effet, il existe trois voies pour certifier une denrée agricole :
- La ségrégation : les produits certifiés sont séparés physiquement des produits standard depuis la plantation jusqu’à la sortie de l’usine. Différents lots certifiés peuvent être mélangés. Quand les produits sont ségrégués et tracés depuis l’exploitation agricole, on parle d’identité préservée.
- Le bilan massique : des ingrédients certifiés et non certifiés sont mélangés dans la chaîne de fabrication. Les aliments finaux se voient apposer le label dans les mêmes proportions (¼ d’ingrédients certifiés achetés par le fabricant = ¼ de produit final étiqueté).
- Le certificat Book & Claim (Acheter & Revendiquer) : des producteurs certifiés vendent des certificats pour un volume donné, qui sont achetés lors de transactions boursières par des producteurs standard. Ces derniers peuvent alors afficher qu’ils « participent à la lutte contre la déforestation » mais n’ont pas le droit au label.
Les voies ségréguées sont les plus vertueuses, privilégiées par les labels reconnus de commerce équitable et environnementaux. « Max Havelaar privilégie la traçabilité physique et la ségrégation. Plus de 80 % des produits labellisés sont ségrégués », explique Valeria Rodriguez, responsable du plaidoyer chez Max Havelaar France.
À l’inverse, le Book & Claim est clairement insuffisant : une entreprise peut apposer un message environnemental sans utiliser un gramme de matière première certifiée. Ni Rainforest Alliance, ni les labels de commerce équitable ne l’autorisent. En revanche, on le retrouve dans les deux filières les plus décriées en termes de déforestation, l’huile de palme et le soja. Ainsi, la RSPO, principale certification dans l’huile de palme, l’autorise.
Un surcoût lié à la transformation et au stockage
Le bilan massique, lui, se rencontre dans sept filières : cacao, thé, canne à sucre, huile de palme et de coco, et jus de fruits. « Seules quatre filières sont concernées chez Max Havelaar, et pour une partie de leurs volumes seulement : cacao, sucre, thé et jus de fruits », précise Valeria Rodriguez. Il est utilisé pour des questions économiques et techniques : pour Max Havelaar, l’objectif est de « permettre aux producteurs certifiés d’avoir accès au marché équitable dans des filières où les outils industriels ne sont pas conçus pour assurer une ségrégation physique pour des petits volumes ». En effet, les surcoûts liés à un stockage spécifique ou des lignes de fabrication dédiées peuvent être dissuasifs pour des usines calibrées pour des quantités importantes et des prix bas. Ce système permet donc d’aller prospecter de nouveaux clients, en ralliant de grandes entreprises qui hésitent à s’engager.
Le frein peut aussi être technique. Ainsi, le thé doit être séché très vite après la cueillette, les fruits du palmier à huile pressés dans les deux jours, et la canne à sucre raffinée dans les heures qui suivent la coupe. Les producteurs sont contraints de rallier l’usine (de séchage, pressage ou raffinage) la plus proche, pour que leur récolte soit transformée dès réception, mais l’usine n’a pas toujours des livraisons suffisantes pour constituer des lots différenciés. Ou pas la volonté : il s’agit souvent de grosses unités à capitaux privés, qui n’appartiennent pas aux petits planteurs.
Ne pas être contraint d’investir peut donc décider des entreprises de grande taille à franchir le pas avant, parfois, d’aller plus loin. Si les volumes certifiés augmentent, ils peuvent franchir le point de bascule : il sera alors intéressant de leur dédier un silo de stockage entier ou une ligne de production. De plus en plus d’acteurs y viennent, et des gros – aiguillonnés par la pression des associations de défense de l’environnement. Ainsi, « Ferrero s’approvisionne à 100 % en huile de palme ségréguée et certifiée durable par la RSPO depuis 2015 », répond le groupe.
Les petites filières sont également utilisatrices du bilan massique. Ludovic Brindejonc, le directeur d’Agri-Éthique (le label de commerce équitable pour les filières françaises), explique qu’ils sont « obligés de faire du mass balance, car les silos de stockage ne sont pas toujours dimensionnés pour de petits volumes ». Il prend exemple sur la filière meunière : les coopératives agricoles travaillant avec Agri-Éthique collectent le blé de l’ensemble de leurs adhérents, qu’ils aient intégré la démarche ou pas. Ce blé est trié et stocké selon ses qualités (farine pour pain, brioche ou autre, élasticité de la pâte, etc.). La coopérative mélange ensuite ces différents lots selon leurs caractéristiques, et non selon la certification, pour répondre aux exigences de ses clients meuniers.
Un prix tiré à la baisse
Mais les détracteurs du bilan massique redoutent que les multinationales, grâce à leur poids financier, ne tirent les prix ‒ donc les rémunérations des planteurs ‒ à la baisse. Rainforest Alliance réfute : « l’impact est le même pour les planteurs » car les financements prévus vont directement aux producteurs, et non dans des outils industriels, alors que « le coût plus élevé de la ségrégation déplacerait des financements des endroits où ils sont le plus importants : investir dans des pratiques agricoles plus durables qui protègent la nature et améliorent la vie des planteurs et de leurs familles ». Dans tous les cas, la quantité de produit équitable vendue est égale à celle achetée aux planteurs. Néanmoins, la question du niveau de rémunération des agriculteurs reste posée, car les entreprises multinationales fonctionnent sur un modèle de prix bas et de volumes importants.
Le consommateur ne sait pas ce qu’il achète réellement
Le consommateur peut aussi se sentir floué. Si les critères sociaux n’influent pas directement sur la qualité du produit, c’est le cas pour les critères environnementaux, comme la réduction des pesticides. S’il veut manger un aliment produit de façon vertueuse, il a peu de moyens de l’ideintifier. Max Havelaar propose des affichages distincts selon les voies de certifications, encore faut-il les connaître (lire l’encadré). Seule certitude : si le produit est également bio, alors il est ségrégué et tracé, comme l’exige ce cahier des charges.
Label équitable Fairtade/Max Havelaar : trois logos pour trois modalités de certification
Max Havelaar propose quelques différences subtiles.
Le logo classique, sur fond noir, est réservé aux filières ségréguées.
S’il comporte également une flèche sur son côté droit, il s’agit de produits avec bilan de masse. Cette flèche est censée inciter le consommateur à retourner le produit pour lire au verso de l’emballage des indications sur le bilan massique.
Le logo sur fond blanc signale que seule une partie des ingrédients est labellisée dans un produit – par exemple le cacao dans une tablette de chocolat. Leur nom figure dans un cartouche à droite.
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(1) La Rountable on Sustainable Palm Oil (table ronde pour une huile de palme durable) est une initiative de la multinationale Unilever, avec le soutien du WWF. Elle est critiquée pour son manque d’exigences et de résultats.
Aliments équitables et durables – Le label ne garantit pas toujours… - UFC Que Choisir
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