Alexandra Bresson
iStock/SolStockBonne ou mauvaise humeur, concentration ou distraction, besoin impérieux ou non : nos états internes influent directement sur nos perceptions et nos prises de décisions. Et pourtant, devenir et rester motivé est souvent l’étape la plus difficile et cette question a donné lieu à de nombreuses recherches. Dans ce domaine, des chercheurs de la Faculté des sciences de la vie de l'École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) se sont récemment demandés s’il existait un lien potentiel entre notre capacité de motivation et notre métabolisme. Et plus précisément si les différences de métabolites dans le cerveau pouvaient avoir des répercussions sur notre capacité de motivation et, si tel est le cas, si la nutrition susceptible d’influer sur les niveaux de métabolites pourrait être un moyen efficace de l’améliorer. Leur étude publiée dans la revue scientifique eLife apporte une première réponse à cette question.
Les chercheurs ont procédé en étudiant une zone profonde du cerveau appelée « noyau accumbens », connue pour jouer un rôle majeur dans la régulation de fonctions telles que la récompense, le renforcement, l’aversion et, surtout, la motivation. L’idée à la base de l’étude était que le cerveau, comme tous les tissus de notre corps, est soumis à un stress oxydatif constant, du fait de son métabolisme. Qu’est-ce que le stress oxydatif ? Lorsque les cellules « mangent » diverses molécules pour se nourrir, elles produisent un certain nombre de déchets toxiques sous la forme de molécules hautement réactives, collectivement appelées « espèces oxydantes ». Certes, les cellules possèdent un certain nombre de mécanismes pour éliminer les espèces oxydantes et ainsi rétablir l’équilibre chimique de la cellule. Mais ce mécanisme est permanent et quand cet équilibre est perturbé, on parle alors de « stress oxydatif ».
Niveaux de glutathion et motivation : une découverte étonnante
Le cerveau est un organe souvent soumis à un stress oxydatif excessif dû à ses processus neurométaboliques. La question pour l’équipe scientifique était donc de savoir si les niveaux d’antioxydants dans le noyau accumbens peuvent perturber la motivation. Ces molécules possèdent la propriété d'empêcher les réactions en chaîne néfastes provoquées par les radicaux libres : ils font office de « boucliers naturels » sachant que les principaux antioxydants dans l’alimentation sont les polyphénols, les caroténoïdes, ainsi que certaines vitamines et minéraux. Pour répondre à cette question, les scientifiques ont examiné le principal antioxydant du cerveau, une protéine appelée glutathion (GSH), et son lien avec la motivation. « Nous avons évalué le lien entre les métabolites du noyau accumbens, une région clé du cerveau, et les performances en matière de motivation. », déclare la professeure Carmen Sandi, qui a mené l’étude.
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Celle-ci ajoute : « nous nous sommes ensuite tournés vers les animaux pour comprendre le mécanisme et vérifier la causalité entre le métabolite trouvé et les performances, prouvant ainsi que la nutrition modifie le comportement par cette voie. » Les chercheurs ont appliqué une technique appelée « spectroscopie par résonance magnétique protonique », qui permet de quantifier la biochimie dans une zone spécifique du cerveau de manière non invasive, au noyau accumbens d’êtres humains et de rats pour mesurer les niveaux de GSH. Ils ont ensuite comparé ces niveaux avec les performances de leurs sujets humains et animaux dans des tâches liées à l’effort qui mesurent la motivation, avant de constater que des niveaux supérieurs de GSH dans le noyau accumbens étaient corrélés à des performances meilleures et régulières dans les tâches de motivation. L’équipe est ensuite passée à des expériences sur des rats auxquels on a administré des micro-injections d’un bloqueur de GSH, qui a réduit la synthèse et les niveaux de l’antioxydant.
La nutrition ou les compléments peuvent-ils améliorer la motivation ?
Résultats ? Les rats étaient alors moins motivés, ce qui se traduisait par de moins bonnes performances dans les tests d’effort récompensés. Au contraire, lorsque les chercheurs leur ont donné une intervention nutritionnelle avec le précurseur du GSH, la N-acétylcystéine (qui augmente les niveaux de GSH dans le noyau accumbens), les animaux ont obtenu de meilleurs résultats. « Notre étude ouvre de nouvelles perspectives sur la manière dont le métabolisme cérébral est lié au comportement et propose des interventions nutritionnelles ciblant les processus oxydatifs clés comme interventions idéales pour faciliter l’endurance à l’effort. Ces résultats montrent que l’amélioration de la fonction antioxydante du noyau accumbens pourrait être une approche réalisable pour stimuler la motivation. », souligne l’équipe scientifique. Bonne nouvelle : la N-acétylcystéine, le complément alimentaire que nous avons administré dans notre étude, peut également être synthétisée dans l’organisme à partir de son précurseur, la cystéine.
Selon la professeure Carmen Sandi, « la cystéine est présente dans les aliments riches en protéines tels que la viande, le poulet, le poisson ou les fruits de mer. D’autres sources avec des teneurs plus faibles sont les œufs, les aliments à base de céréales complètes comme le pain et les céréales, et certains légumes comme le brocoli, les oignons et les légumineuses.Bien sûr, il existe d’autres moyens que la N-acétylcystéine pour augmenter les niveaux de GSH dans l’organisme, mais leur rapport avec les niveaux dans le cerveau, en particulier dans le noyau accumbens, est inconnu. L’étude représente une démonstration de principe que la N-acétylcystéine alimentaire peut augmenter les niveaux de GSH dans le cerveau et faciliter le comportement d’effort. », conclut-elle. A noter que dans le domaine de la nutrition, des chercheurs irlandais sont récemment parvenus à la conclusion que la consommation de certains aliments a en effet positif sur l’humeur puisqu’un régime « psychobiotique » élaboré par leurs soins a permis de réduire le sentiment de stress chez des personnes en bonne santé.
le 09/11/2022
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