Colorants, émulsifiants, conservateurs et exhausteurs de goût : nos aliments sont truffés d'additifs de toutes sortes. Une étude a évalué pour la première fois la quantité de ces substances ingérées par les consommateurs français. Mais si bon nombre de ces substances sont controversées, le danger n'est pas forcément au rendez-vous.
[EN VIDÉO] Alimentation moderne : les grandes avancées et les échecs depuis un demi-siècle L'industrie alimentaire nous nourrit-elle mal ? Oui et non, démontre le docteur Cocaul, nutritionniste et chroniqueur à Futura. Notre alimentation moderne est abondante et bien sécurisée. Cependant, les préparations et les emballages sont trop attractifs, tandis que le renfort en sucre et en sel la rend trop riche, causant de véritables épidémies, à commencer par l'obésité.
Émulsifiants, colorants, agents de charge ou édulcorants : notre nourriture est souvent bourrée d'additifs de toutes sortes. Mais on ne soupçonne pas à quel point nous en ingérons quotidiennement. Des chercheurs français de l'Inserm et de l'Inrae ont tenté de quantifier combien nous absorbons de ces additifs en se basant sur des analyses en laboratoire et les données de l'étude NutriNet portant sur 106.000 personnes, qui notent la quantité et la marque de chaque aliment consommé au fil d'enquêtes régulières. Résultat : nous avalons en moyenne 155,5 grammes d'additifs par kilo de poids corporel et par jour, ce qui pour un adulte de 72,5 kilos (le poids moyen d'un Français) représente 11,3 grammes par jour, ou 4,1 kilogrammes par an, a calculé l'association de consommateurs UFC-Que Choisir. Les 5 % des Français les plus exposés (ceux qui consomment le plus d’aliments ultra-transformés) en ingèrent même en moyenne 25 grammes par jour, soit plus de 9 kilos par an ! Il faut dire que la nourriture industrielle contient beaucoup d'additifs. Parmi les produits disponibles sur le marché français, 50 % contiennent au moins un additif et 11,3 % en contiennent plus de cinq.
Un tiers des additifs jugés suspects
Tous ces chiffres sont-ils pour autant inquiétants ? « La plupart des additifs n'ont probablement aucun effet néfaste pour la santé et apportent même des bénéfices, comme les antioxydants, les polyphénols ou les substances antimicrobiennes », reconnaissent les auteurs de l'étude. L'additif le plus consommé (34 mg par kilo de poids corporel et par jour) est l'acide citrique, parfaitement inoffensif. Mais parmi le top 50 des additifs les plus consommés, on trouve aussi bon nombre de substances jugées « préoccupantes » par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et le Comité d'experts FAO/OMS sur les additifs alimentaires (JECFA).
Un tiers des additifs les plus consommés (ingérés par 15 % à 90 % des Français) sont ainsi suspectés d’effets néfastes sur la santé, alerte l'UFC-Que Choisir. On peut ainsi citer les mono- et diglycérides d'acides gras (E471), le nitrite de sodium (E250) ou encore les di-, tri- et polyphosphates (E450, E451 et E452), tous classés comme « peu recommandables » ou « à éviter » par l'association. Non seulement ces substances sont susceptibles d'avoir un impact sur la santé au niveau individuel, mais leur mélange produit un « effet cocktail » aux effets totalement inconnus, mettent en garde les auteurs de l'étude parue dans Scientific Reports. Et où trouve-t-on tous ces fameux additifs ? Un peu partout. Les diphosphates E450 sont par exemple très présents dans les cookies ou les madeleines, le caramel E150a dans le bœuf bourguignon ou le jambon, l'édulcorant acésulfame K (E950) dans les chewing-gums sans sucre, le Coca light ou les yaourts 0 %.
De moins en moins d’additifs dans les recettes
Pas la peine de vider pour autant votre réfrigérateur. Les quantités ingérées restent la plupart du temps bien en dessous des seuils de sécurité recommandés par l'EFSA. De plus, la plupart des effets détrimentaux des additifs ont été conclus à partir d'études in vitro ou chez la souris, et non pas à partir d'études épidémiologiques. Le danger reste donc parfaitement hypothétique. Enfin, les fabricants ont fait beaucoup d'efforts ces dernières années pour réduire le nombre d'additifs dans les recettes, notamment sous la pression de l'application Yuka, qui note défavorablement les aliments qui contiennent beaucoup d'additifs. En 2020, Intermarché a par exemple annoncé la suppression de 140 additifs dans ses recettes, les nitrites étant notamment remplacés par du bouillon de légumes et des ferments, ou les colorants rouges par de la betterave.
Selon une étude de l’Anses, le nombre d'aliments sans additifs est ainsi passé de 13,7 % à 18,7 % depuis le début des années 2010. Mais supprimer tous les additifs est complètement illusoire, car bon nombre d'entre eux sont nécessaires pour des raisons de conservation et de sécurité. « Le consommateur doit comprendre que, sans additifs, les produits seront probablement moins bons d'un point de vue gustatif et avec une durée de vie plus courte », prévient Jean-Michel Lecerf, à l'Institut Pasteur de Lille.
Les Français avalent quatre kilos d’additifs par an - Futura
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