Galettes végétales, fausses boulettes, saucisses végétales… Pour l’écologie, pour la protection animale ou pour rechercher des bénéfices sur la santé, nombre de personnes se tournent vers une alimentation végétarienne ou végane. Une tendance que les industriels de l’agroalimentaire ont bien flairée, et l’on voit se multiplier dans les rayons des supermarchés des gammes entières à destination de ces nouveaux consommateurs. En 2018, la vente de produits végétariens et véganes a généré un chiffre d’affaires en hausse de 24 %, atteignant 380 millions d’euros, d’après l’institut d’études Xerfi. Ce même rapport table sur une augmentation annuelle moyenne de 17 % entre 2019 et 2021. Les galettes végétales et autres imitations de viandes diverses ont donc de beaux jours devant elles.
« Aujourd’hui nous entendons beaucoup de messages visant à réduire notre consommation de viande, un objectif que nous soutenons et qui est une recommandation de santé publique, dit à Reporterre Lisa Faulet, chargée de mission alimentation à l’association Consommation, logement et cadre de vie (CLCV, association nationale de défense des consommateurs et usagers) et responsable d’une enquête sur le sujet publiée en septembre 2020. Avec cette enquête, nous avons voulu savoir si ces aliments étaient une bonne alternative. » L’association s’est intéressée à 95 produits d’enseignes différentes (comme Auchan, Carrefour, La Vie Claire, Naturalia, etc.). « On a pris les références que l’on a pu trouver, comme pourrait le faire un consommateur en allant faire ses courses. Il n’y a pas eu de sélection », dit Lisa Faulet.
Des produits pas si végétaux
Plusieurs faits ont été mis en lumière. Ces produits sur lesquels on peut souvent lire le mot « végétal » ne contiennent en réalité que 39 % d’ingrédients d’origine végétale en moyenne — les autres ingrédients des recettes étant principalement de l’eau, des matières grasses, des épices et des additifs. En France, « il n’existe aucune réglementation imposant d’avoir un minimum d’ingrédients végétaux dans ces produits », dit à Reporterre le député La France insoumise Loïc Prud’homme, qui a présidé en 2018 la commission d’enquête sur l’alimentation industrielle. Même constat au niveau européen. Ainsi, certains produits ne contiennent que 8, 13 ou 14 % d’ingrédients d’origine végétale, mais peuvent afficher sans inquiétude cette allégation sur leurs paquets.
Dans certains cas, il faut sortir sa calculatrice pour obtenir l’information. Pour les ingrédients « réhydratés » (comme les protéines de blé réhydratées), il faudra diviser le pourcentage affiché par deux pour le sarrasin, 2,5 pour le soja ou les lentilles, 3 pour le pois et jusqu’à 5 pour le seitan. Certains arrivent tout de même à afficher de très bons scores, jusqu’à 88 % d’ingrédients d’origine végétale. C’est par exemple le cas de Hari&Co. Benoît Plisson, cofondateur de la marque, explique à Reporterre : « Nous n’avons pas pour objectif de se rapprocher d’un aspect ou d’une texture de viande, donc pas besoin d’additifs. Et nous gardons les ingrédients à l’état brut, principalement des légumineuses, dans le processus de fabrication ». La marque a choisi de ne pas dénaturer l’ingrédient d’origine, ce qui explique ses bons résultats.
Recompositions et promesses
Tous ne suivent pas ce bon exemple. « Les ingrédients d’origine végétale peuvent être des recompositions, ou provenir de banques de protéines, ce ne sont pas forcément des matières primaires. Mais ce n’est pas inscrit sur l’étiquette, et les consommateurs n’en savent rien, déplore auprès de Reporterre l’eurodéputé Europe Écologie-Les Verts (EELV) Claude Gruffat, membre de la commission du Marché intérieur et de la protection des consommateurs. J’ai demandé à ce que l’on aille beaucoup plus loin au sujet de l’étiquetage, mais cela va être compliqué à cause du lobbying agroalimentaire qui n’y tient pas du tout ».
La CLCV note tout de même que 80 % des emballages comportent au moins une allégation nutritionnelle — les informations indiquant sur un paquet ses propriétés et composants — et toutes sont réglementées. « Oui, il existe une réglementation, mais encore une fois, elle est floue. “Riche en protéines”, de quelle nature ? De quelle qualité ? Des protéines végétales, de lait ? » s’interroge l’eurodéputé. Pour l’instant, le consommateur n’en sait pas plus.
80 % contiennent au moins un additif
Pour le reste, 56 % des produits analysés par la CLCV ont pour ingrédient majoritaire l’eau. « La quantité d’eau est nécessaire pour des légumineuses, d’accord, mais lorsque l’on compare les produits des marques, on voit tout de même que certaines font des efforts pour mettre plus de protéines végétales que d’autres », relève Lisa Faulet. L’enquête souligne que pour un même type de produits, la quantité d’eau varie du simple au quintuple selon les marques.
Les plats préparés labellisés AB (Agriculture biologique) ne contiennent ni colorant ni arôme chimique de synthèse ou exhausteur de goût, et les additifs autorisés sont limités à une cinquantaine. Dans les autres produits non étiquetés AB, plus de trois cents additifs peuvent être ajoutés à la guise du fabricant. Ainsi, la CLCV souligne que 80 % de ces produits contiennent au moins un additif. L’autorisation de la mise sur le marché de ces substances se fonde sur les études fournies par les fabricants de celles-ci. « On ne peut pas continuer à autoriser des additifs sur la base des déclarations de ceux qui veulent les vendre », dénonce le député Loïc Prud’homme. C’est notamment le cas des Knacki « végétales » de Herta, qui contiennent six additifs. Contacté par Reporterre pour plus de précisions, Herta n’a « pas souhaité donner suite à votre demande ». Dans son enquête, la CLCV souligne tout de même que 19 des 95 produits étudiés ne contiennent aucune substance ajoutée, ce qui signifié qu’il est tout à fait possible de s’en passer.
Des produits ultratransformés
Arômes, colorants, exhausteurs de goût ou texturants, tous sont les marqueurs d’une ultratransformation. « Dans ce type de galettes ou d’imitation de viande, il y a effectivement un très grand nombre qui sont des produits ultratransformés », confirme auprès de Reporterre Anthony Fardet, membre du comité scientifique Siga et chargé de recherche en alimentation préventive, durable et holistique dans l’unité de nutrition humaine de l’Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement). Outre ces additifs, d’autres traitements technologiques très drastiques comme la cuisson-extrusion ou le soufflage, qui n’ont pas d’équivalents en cuisine, sont également les marqueurs d’une ultratransformation.
Des méthodes de fabrication dénoncées par le député Loïc Prud’homme, qui déplore que « comme dans tous les nouveaux marchés, il y a des personnes qui s’y engouffrent et reprennent les méthodes de la malbouffe standard. J’avais demandé à ce qu’on arrête les processus d’ultratransformation, qui sont vraiment les plus terribles pour notre santé. Et rien... ». En effet, ces dernières années, les études scientifiques tendent à corréler la consommation de produits ultratransformés à l’émergence de pathologies, comme le diabète, l’hypertension, l’hypercholestérolémie ou les maladies cardio-vasculaires. « Le problème est que ces modes de production cassent la matrice des ingrédients alimentaires d’origine, la mastication est moins sollicitée et la satiété est moins stimulée. En plus, ils ont été optimisés gustativement. Tout ça nous pousse à en consommer plus que de raison, et donc à manger plus de gras, de sel, de sucres rapides et d’additifs », rappelle Anthony Fardet. Des produits sans viande, mais pas nécessairement plus sains.
• Suite de l’enquête : Pour les produits végétariens et véganes, le Nutriscore n’est pas une garantie
Lire aussi : Les véganes sont-ils écolos ?
Source : Ouns Hamdi pour Reporterre
Dessin : © Red !/Reporterre
Photos : . Hamburger avec une galette végétale. PixMedia/Pixabay CC
. Boulettes de viande véganes. Nitsan Simantov/Wikimedia CC
Aliments végétariens dans les supermarchés : la grande arnaque - Reporterre
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