L’Épicerie du monde
La mondialisation par les produits alimentaires du XVIIIe siècle à nos jours.
sous la direction de Pierre Singaravélou et Sylvain Venayre
Fayard, 432 p., 25 €
On ne saurait trop conseiller aux élèves qui s’ennuient pendant leurs cours d’histoire-géographie de fouiller dans les étagères de la très sérieuse Épicerie du monde. Du yaourt au loukoum, en passant par les frites, la saga des produits alimentaires racontée par d’éminents spécialistes, est un savoureux concentré de savoirs sur les guerres, l’essor de l’industrie et les mouvements de population qui ont façonné le monde du XVIIIe siècle à nos jours.
Un chapitre, un aliment
Quel peut bien être le lien entre la guerre de Crimée de 1853-1856 et le thé à la menthe ? Les Britanniques, qui décident pendant le conflit d’écouler au Maghreb les stocks de thé indien destinés auparavant au marché russe. Mélangé avec une boisson traditionnelle, l’infusion sucrée de menthe, il s’est diffusé et imposé dans le monde arabo-musulman.
D’où vient la sauce soja ? Pas du Japon, n’en déplaise à l’omniprésente firme nippone Kikkoman. C’est entre Chine et Corée que furent élaborés les premiers assaisonnements de couleur ambrée, qui débarquent dans le port d’Amsterdam dès le début du XVIIIe siècle, depuis les cales des navires de la compagnie néerlandaise des Indes orientales.
L’essor de l’industrie agroalimentaire
Après avoir raconté en 2020 la mondialisation à travers les objets, Sylvain Venayre et Pierre Singaravélou, tous deux professeurs d’histoire contemporaine, se concentrent cette fois sur les produits alimentaires, avec l’aide de nombreux contributeurs universitaires. D’un mets à l’autre, des lignes de force apparaissent, comme l’incroyable essor de l’industrie agroalimentaire qui façonne désormais nos façons de manger.
L’histoire des corn flakes, inventés en 1894 par un médecin adventiste et végétarien John Harvey Kellogg, est de ce point de vue édifiante. Sans lait pasteurisé et sucre raffiné, le maïs grillé, « enfant de l’industrie agroalimentaire qui trouve des formules permettant de conserver les produits périssables, de les préparer, les produire en masse et à moindre coût et de les faire voyager », n’aurait pas réussi à conquérir le monde… Il témoigne par ailleurs de la « promotion du petit-déjeuner au rang de repas majeur de la journée, qui accompagne la généralisation du salariat et de la scolarisation ».
Un joyeux melting-pot
L’histoire des aliments témoigne aussi de la formidable accélération des circulations de population, liées aux guerres et à la « massification des migrations, patente à l’échelle du monde à partir des années 1830 ». C’est ainsi que les Italiens ont promu la pizza dans le monde entier ; les Turcs le döner kebab, les Indiens le curry et les Japonais les sushis. Quitte à intégrer quelques particularités locales pour assurer leur succès, dans un joyeux melting-pot.
Histoire des aliments : comment kebabs et pizzas ont conquis le monde - La Croix
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