Mise à jour du 13 mai 2022
« Les discussions se poursuivent », selon le gouvernement
Suite à notre demande, le ministère de l’agriculture nous a transmis la réponse du gouvernement : le mail envoyé aux agents du ministère de l’économie ne serait qu’un « point d’étape », car la réforme « n’est pas encore finalisée » et « les discussions se poursuivent entre les différents services impliqués ».
La création d’une police unique, confiée au ministère de l’agriculture, peut-elle encore être remise en question ? Pas si sûr… D’autant plus que cela fait déjà plusieurs années que le projet est sur la table. « Depuis 2018, nous travaillons à la mise en place d’une police unique de la sécurité sanitaire des aliments qui permettra de simplifier l’action publique et de renforcer, d’une part, la sécurité sanitaire de nos aliments (assurée par le ministère de l’agriculture – services vétérinaires) et, d’autre part, la lutte contre les fraudes économiques (réalisée par le ministère de l’économie - DGCCRF). »
La nouvelle est tombée le 11 mai à 19 h : « Les contrôles de la sécurité alimentaire de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes [DGCCRF], vont être abandonnés au ministère de l’agriculture », s’alarme le syndicat national Solidaires Finances publiques dans un communiqué.
Même réaction de la part de l’autre syndicat de l’administration, CFDT CCRF & Laboratoires, sur Twitter :
La surprise est totale, car « il n’y a pas eu de discussions avec les élus ni avec les organisations syndicales », déplore Roland Girerd, co-secrétaire général de Solidaires CCRF & SCL.
Au-delà de l’impact sur le personnel de la DGCCRF, « en état de sidération » suite à cette annonce, la création de cette « police unique » soulève de nombreuses questions sur la protection des consommatrices et consommateurs.
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Quand sécurité sanitaire et finances vont de pair
Concrètement, la DGCCRF continuera à effectuer des contrôles sur les questions de loyauté et de lutte contre les fraudes, tandis que « la Direction générale de l’alimentation (DGAL) récupérerait au 1er janvier 2023 l’ensemble des contrôles liés à la sécurité sanitaire des aliments », indique le communiqué.
Cela signifie qu’un « même établissement pourra être contrôlé pour la loyauté par la DGCCRF et pour l’hygiène par la DGAL… puisque la DGCCRF ne pourra plus effectuer les deux contrôles en même temps ». Une décision injustifiée, aux yeux de Roland Girerd : « Ça va casser quelque chose qui marche, précise-t-il. S’il y avait un lien avec Bercy, c’est parce que le moteur des manquements, en matière de sécurité sanitaire des aliments, ce sont des questions économiques. »
Sur le terrain, cela pourrait « réduire encore la présence de la DGCCRF », selon le communiqué, alors que les représentants syndicaux dénoncent depuis plusieurs années une baisse de moyens et d’effectifs. Le 5 avril, Solidaires CCRF & SCL rappelait que l’administration avait perdu près de 1 000 agent·es en 13 ans.
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« L’alimentation dépendra du privé »
Actuellement, la DGCCRF compte environ 1 800 enquêteurs et enquêtrices, dont la moitié travaillent sur l’alimentation. Combien pourraient partir au ministère de l’agriculture ? « Il y aurait un effectif de 60 personnes transférées », nous répond Roland Girerd. La DGAL verra-t-elle ses effectifs augmenter ? Aura-t-elle plus de moyens que la DGCCRF pour mener à bien les contrôles ? Ces questions restent en suspens.
Pas plus d’informations sur les analyses, « exercées jusque-là par le Service commun des laboratoires de Bercy, désormais fortement menacé », alerte le communiqué. « Le risque, c’est que ce soit sous-traité, avec tout ce que cela implique, craint Roland Girerd. L’alimentation dépendra du privé, et ça se fait en catimini, hors de tout débat démocratique. »
Les contrôles d’hygiène externalisés ?
Les contrôles en hygiène alimentaire, menés dans les restaurants, charcuteries, boucheries et boulangeries, pourraient eux aussi être confiés à des organismes de contrôle privés.
« Des contrôles payants, exercés par des entreprises à but lucratif, employant des personnels parfois précarisés, et non plus par des personnels indépendants », s’offusque Solidaires Finances publiques dans son communiqué.
« Bruno Le Maire fait plaisir à l’industrie agroalimentaire »
Les laboratoires et organismes de contrôle privés ne seraient pas les seuls à profiter de la situation, selon le syndicat, qui pointe aussi le lobby agroalimentaire : « Pour son dernier jour de ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire fait plaisir à l’industrie agroalimentaire, alors que l’émotion des scandales Buitoni et Kinder n’est pas retombée. »
Le calendrier a de quoi surprendre, alors que ces deux affaires ont mis en lumière des manquements de la part des deux grands industriels en cause, Nestlé et Ferrero.
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Plusieurs zones d’ombre
« À chaque fois qu’il y a un scandale, on n’entend jamais les pouvoirs publics et les politiques attaquer les industriels de l’agroalimentaire, ajoute Roland Girerd. La sécurité des aliments n’est pas prioritaire par rapport aux intérêts économiques. »
Ni la direction de la Répression des fraudes, ni le ministère de l’agriculture n’ont, pour l’heure, répondu à nos sollicitations. Ce dernier a publié, le 9 mai 2022, son plan national de contrôles officiels pluriannuel 2021-2025 actualisé, lequel ne mentionne absolument nulle part cette réforme, pourtant imminente. Pourquoi ? Pourquoi ne pas avoir communiqué publiquement à ce sujet ? Plusieurs zones d’ombre persistent dans cette soudaine décision.
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