PENURIE. La France, comme le monde entier, est touchée par des dysfonctionnements d'approvisionnement en matières premières. De quoi entraîner de nombreuses répercussions sur les prix... Et ce, peut-être jusqu'en 2023.
Pas de retour à la normale avant fin 2022 au mieux ? En ce qui concerne les semi-conducteurs, c'est l'échéance qui semble avoir été identifiée. Intel (second fabricant mondial de semi-conducteurs après Samsung si on se fonde sur le chiffre d'affaires), par la voix de son PDG Pat Gelsinger, confiait à CNBC en octobre : "Nous sommes dans l'œil du cyclone actuellement. À chaque trimestre de l'année prochaine nous irons progressivement mieux, mais il n'y aura pas d'équilibre entre l'offre et la demande avant 2023". Même son de cloche chez Renault : le PDG Lucas de Meo estime que la pénurie de puces électroniques aura un impact jusque mi-2022 au moins. "On est toujours dans la même situation : la demande est là, ce sont les pièces qui nous manquent", expliquait-il lors d'une visite de l'usine de Flins ce 30 novembre. Dans ce contexte, Renault dit donner la priorité aux voitures et véhicules commerciaux aux marges les plus hautes. "On pourra s'en sortir" en 2022, veut pourtant espérer Lucas de Meo, sans pour autant communiquer de prévisions de vente pour 2022, note Franceinfo.
L'inquiétude grandit de plus en plus chez de nombreux professionnels en France, alors que les complications de la reprise de l'économie après l'arrêt mondial lié à la pandémie de Covid-19 se confirment et semblent se pérenniser. Les demandes de produits émanant du monde entier, la cadence n'a pas encore repris au niveau d'avant-crise et les difficultés d'approvisionnement en matières premières sont encore nombreuses et impactent la plupart des secteurs. Car les rythmes de productions restent encore inégaux selon les régions du monde, couplé à une reprise mondiale de l'activité entraînant de longues files d'attente pour le fret, notamment maritime, avec une priorité à celui qui paiera le plus, conséquence d'une flambée des prix de toute part... qui se répercute déjà au moment de passer en caisse.
C'est le point de départ des retards en cascade dans les délais de livraison. Les semi-conducteurs sont des puces à la base de tout produit électronique (ordinateurs, téléphones, voitures...) En effet, c'est ce qui permet la transmission du courant entre les divers éléments. Une pénurie mondiale touche ce secteur depuis la fin d'année 2020, quelques mois après l'apparition du Covid-19 et la mise en place de confinements à travers le monde. Depuis, les retards s'accumulent. Deux raisons principales à cela : tout d'abord, la crise sanitaire et l'obligation pour des millions de salariés de travailler depuis leur domicile a entraîné une explosion de la demande de produits électroniques en très peu de temps, principalement pour des ordinateurs. Deuxièmement, la plupart de ces semi-conducteurs sont produits en Asie, région durement touchée par la crise, faisant tourner les usines au ralenti. En novembre 2021, Intel, TSMC et Nvidia, Renault, et de nombreux autres fabricants de semi-conducteurs, font le même constat que sept mois plus tôt : le retour à la normale ne se ferait pas avant 2023.
Des craintes sur le marché des cartes graphiques
Même son de cloche pour le marché des cartes graphiques : dans une interview accordée à The Hindu BusinessLine, Mark Papermaster, directeur technique et vice-président exécutif d'AMD, a concédé que le retour à la normale ne devrait pas intervenir avant début 2023, au mieux. Seule nouvelle positive : l'amorce de ce phénomène pourrait débuter d'ici à septembre 2022. Le directeur technique d'AMD s'est ainsi expliqué : "Sur nos marchés, nous nous attendons à une amélioration de l'offre dans la seconde moitié de 2022 et en 2023. C'est à ce moment-là que nous prévoyons le retour à la normale de l'équilibre entre l'offre et la demande". NVIDIA (spécialiste dans la conception de processeurs graphiques, de cartes graphiques et de puces graphiques pour PC et consoles de jeux) confirmait cette échéance, quelques semaines auparavant.
Comme pour les semi-conducteurs, la pénurie a débuté en octobre 2020. Cependant, il n'est pas question de manque de matériau. " Ce n'est pas vraiment une pénurie puisque il y a suffisamment d'arbres dans les forêts dans le monde pour servir la demande. C'est une question de dérèglement de la logistique à la suite de la crise du Covid qui a fait augmenter de façon très importante la demande dans le monde en bois pour la rénovation et la construction. Les usines sont saturées", éclaire Nicolas Douzain Didier, délégué général de la Fédération nationale du bois, dans une interview sur France Culture. Depuis 2018 et la taxe sur les bois canadiens, les Etats-Unis s'approvisionnent en bois en Europe, ce qui a entraîné une inflation des prix, principalement en Allemagne. Or, la France importe 35 à 40 % du bois qu'elle utilise. L'accroissement de la demande venue d'outre-Atlantique entraîne des retards dans les commandes hexagonales, les charpentiers étant notamment les principaux à pâtir du phénomène. Les devis réalisés auprès des particuliers peuvent augmenter jusqu'à 20% par rapport à la proposition initiale.
Du Canada aux Pays-Bas, de nombreux secteurs souffrent d'une pénurie de main-d'œuvre. Et, selon la dernière enquête de la Commission européenne, réalisée fin octobre, 34,2% des industriels allemands et 33,7% des industriels néerlandais indiquent leur production est limitée par des difficultés à trouver de la main-d'œuvre. Côté services, ce sont 35% des entreprises allemandes et 43% des sociétés néerlandaises qui connaissent des difficultés à recruter des salariés. En France, les difficultés de recrutement demeurent modérées, du moins pour le moment : 15% des industriels français estiment que leur production est limitée par les difficultés à embaucher, chiffre un peu plus élevé qu'il y a deux ans et qui est du même ordre de grandeur côté services. Interrogé par Les Echos à ce sujet ce vendredi 5 novembre, Charles-Henri Colombier, économiste, ne voit qu'une raison pour cette pénurie grandissante : "C'est le paradoxe de cette crise : nous sommes revenus très vite à la situation d'avant-crise, dans laquelle le chômage était faible en Allemagne et aux Pays-Bas. Les difficultés de recrutement étaient déjà importantes en 2019 dans ces deux Etats-membres". L'économiste voit aussi en le freinage de l'immigration une autre cause de cette pénurie : "Un des effets des effets de la pandémie, c'est d'avoir freiné les flux migratoires [...] Or, les pays dont le marché du travail était le plus dynamique, c'est-à-dire l'Allemagne et les Pays-Bas, sont aussi ceux qui accueillaient le plus d'immigrés. Il est logique qu'ils soient aujourd'hui le plus touchés par le tarissement des flux migratoires", affirme-t-il. En attendant, plusieurs secteurs dans de nombreux pays sont touchés par la pénurie de main-d'œuvre, de la santé à l'hôtellerie-restauration, en passant par la logistique. Pénurie qui retarde également la chaîne mondiale d'acheminement.
Papier : flambée des prix et fermetures d'usines : une hausse du prix du papier toilette à venir ?
Des délais d'acheminement qui s'allongent, des prix qui s'envolent… Le secteur du papier est lui aussi touché. Résultat, les imprimeurs n'ont plus beaucoup de feuilles. La baisse des abattements d'arbres depuis le début de la crise du Covid ont entraîné un affaiblissement de la production de papier. La pâte à papier, qui permet la conception du papier et du carton, "c'est entre 6 et 7 millions de tonnes produites par an ", indique Laurent Ollivon à Sud Ouest. Chargé de la fabrication de la revue féministe La Déferlante, il poursuit : "On estime que pendant la crise sanitaire, 1,5 million de tonnes n'ont pas pu être produites". En un an, le prix de la tonne de pâte est passé de 810 à 1310 dollars la tonne, soit une hausse de 60 %. Les prix (et délais) d'acheminement ont également flambé, passant de 1600 à… 10 000 dollars. Une situation qui devrait s'enliser un peu plus pour le papier, quatre usines en Europe ayant annoncé stopper la production de pâte à papier, dont une en Suède et un en Finlande.
Le secteur de l'édition s'inquiète face au constat de certains imprimeurs, qui observent des retards dans les délais de lvraisons de papier blanc, leur matière première. Christophe Dudit, directeur de l'imprimerie Cloître à Saint-Thonan (Finistère), déplorait ce jeudi 4 novembre auprès de LCI : "On avait l'habitude d'avoir des délais à 24-48 heures sur certains produits. Là, on est passé à 3, 4, voire 8 semaines. Et pour d'autres produits, on ne parle plus en semaine, on parle en mois : jusqu'à 3, 4, voire 8 mois de délais". L'imprimeur a du augmenter ses prix. LCI note également que de nombreux autres produits risquent de voir leurs prix augmenter avec la pénurie : papier toilette, protections hygiéniques et couches pourraient ainsi subir une hausse de 10 à 15% dans les mois à venir.
Fin septembre, le Royaume-Uni a été frappé par une absence de produits dans les supermarchés qui ont empêché, selon les chiffres officiels, 9 millions de personnes se sont retrouvées dans l'impossibilité d'acheter au moins un produit considéré comme essentiel. Une situation due à la pandémie, d'une part, mais aussi au Brexit. En France, une telle situation ne devrait pas arriver. En revanche, les prix des produits alimentaires augmentent, en raison de la hausse des tarifs appliqués sur les matières premières, notamment le blé. A contrario des portefeuilles, les rayons, eux, ne devraient pas se vider.
Le vin impacté par les pénuries
Les vignerons sont notamment concernés en France par l'envol des tarifs appliqués sur des matières nécessaires à leur activité. "Entre 25 et 30% sur les cartons, sur les bouchons entre 5 et 8%, la bouteille en elle même prend entre 6 et 10%,, l'augmentation est générale, nous sommes pris sur toutes les matières sèches", commente Gilles Gaudron, vigneron à Vernou-sur-Brenne (Indre-et-Loire), auprès de France Bleu. Et de prévenir : "L'augmentation sera en moyenne de 30 à 50 cts la bouteille de vin".
Les rayons chaussures vont-ils se vider plus rapidement qu'ils ne vont se remplir ? L'inquiétude grandit chez les professionnels du secteur en raison des retards d'approvisionnement. Et pour cause : selon Franceinter, ce sont 30 à 40% des produits qui manquent dans le secteur de la chaussure. La raison principale ? Des usines qui tournent au ralenti au Vietnam et en Indonésie, à cause de la pandémie de Covid-19. En effet, les deux pays ont fait face cet été à une importante nouvelle vague de coronavirus, entraînant des périodes de confinements puis de fermetures d'activités dans certains secteurs à l'échelle locale. Début octobre, Business France rapportait que "80 % des usines de chaussures à Ho Chi Minh-Ville, Dong Nai, Binh Duong, An Giang, Kien Giang ont dû suspendre leur production en raison de mesures de distanciation sociale très strictes". De quoi entraîner un très fort ralentissement de la production. Mais ce n'est pas tout. Les délais de transports s'allongent face à l'embouteillage des produits à expédier dans le monde entier. Fin septembre, Matthew Friend, directeur financier de Nike, indiquait que "les semaines de production perdues, combinées à des temps de transit plus long, vont conduire à une pénurie de stocks (de chaussures et vêtements) sur le marché au cours des prochains trimestres".
Les vêtements vont coûter plus cher
Du côté de l'habillement, le prix du coton a augmenté de 47% en un an, contre 43% pour la laine rapporte LSA Conso. L'Institut français de la mode table ainsi sur une hausse des tarifs des vêtements d'au moins 5%. Chez Asics, l'un des poids lourds de l'équipement sportif, le transport se fait désormais par voie aérienne. Non sans conséquences : les prix ont été multipliés par 4, explique la marque à Midi Libre. Et de prévenir : "Les prix vont augmenter, mais pas sur tous les produits". En revanche, tous les domaines devraient être impactés.
Conséquence directe de manque de composants électroniques, la fabrication de jouets est au ralenti. Les difficultés d'approvisionnement en matières premières et de transport des produits manufacturés destinés aux enfants n'aidant pas, le secteur est sous tension. Auprès de 20 Minutes, le PDG de Jura Toys, Ludovic Martin, a estimé que "le plus gros impact pour nous, c'est le dérèglement du transport maritime". Les prix des conteneurs ont été multipliés par 8 ou 10. Le cours du plastique a, de son côté, doublé. Ce qui ne sera pas sans impact sur les tarifs affichés en rayon. Chez Jura Toys, la hausse devrait être de l'ordre de 3%. "Il y aura une pénurie sur certains jouets, mais pas de rupture totale", tempère toutefois Romain Mulliez, PDG de PicWic Toys.
Pénurie : voitures, jouets, aliments, matière première... A quoi s'attendre... - Linternaute.com
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