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Wednesday, June 23, 2021

Les hyperfoods, aliments aux propriétés anticancer - ELLE France

ELLE. Que désignez-vous par les hyperfoods ?

KIRILL VESELKOV. Ce sont des aliments aux exceptionnelles propriétés anticancer. À la différence des superfoods [aliments globalement identifiés comme bons pour la santé, ndlr], les hyperfoods sont spécifiquement riches en substances actives que l'on retrouve dans certains médicaments anti­cancéreux. Ça paraît surprenant, mais ces composés photochimiques sont en fait présents en quantités significatives dans des fruits et des légumes très courants, comme les carottes, le chou ou le raisin. D'où, évidemment, l'importance de connaître la liste des aliments concernés et de les consommer !                

ELLE. Pourquoi a-t-il fallu attendre vos recherches pour identifier ces aliments, dont on savait par ailleurs qu'ils étaient globalement bénéfiques ?

K.V. Les méthodes traditionnelles des sciences expéri­mentales ne permettaient pas d'en faire une liste exhaustive, ni de prouver et de quantifier leur action anticancer. Les processus par lesquels nous métaboli­sons les composants des aliments sont extrêmement complexes. Nous avalons à chaque repas des milliers de molécules biologiquement actives, qui interagissent entre elles mais aussi avec notre organisme et notre microbiote intestinal. Tout cela influe sur notre santé. Pour nos recherches, nous avons utilisé l'intelligence artificielle, le machine learning et des modèles de simu­lations. Grâce à l'application DreamLab de l'opérateur Vodafone et aux milliers de bénévoles qui ont mis à disposition la data de leur Smartphone la nuit, nous avons pu créer un super­ordinateur virtuel, capable de traiter plusieurs millions de calculs en un temps record. Nous avons ainsi soumis près de 8 000 molécules bioactives pré­sentes dans les aliments à un algorithme intégrant par ailleurs les propriétés de 200 médicaments utilisés dans le traitement du cancer. Cet algorithme a simulé les actions des molécules sur les humains et a identifié, sur la base de leur ressemblance avec les médicaments, 110 d'entre elles comme ayant des propriétés anticancer.                

ELLE. Qu'est-ce qui distingue ces molécules bioactives ?

K.V. Avec mon équipe, on les appelle la « matière noire ». Aujourd'hui encore, les chercheurs en nutrition se concentrent surtout sur les protéines, les glucides, les lipides, les vitamines et les minéraux… soit les micro et macro­nutriments des aliments, ceux qu'on retrouve inscrits au dos des emballages. Or les végétaux incluent aussi des milliers d'autres composants également importants pour notre santé, mais moins connus du grand public, comme les polyphénols, les flavonoïdes, les terpénoïdes et les polysaccharides bota­niques. Ce sont eux qui donnent leur couleur aux myrtilles, par exemple, ou son odeur à l'ail. En raison de leur très grand nombre et de la quantité incalculable d'interactions qui se pro­duisent dans l'organisme quand on les consomme, il était jusqu'à présent quasi impossible de les étudier de façon précise et complète. Rien que l'analyse de trois d'entre elles nous ramènerait à quelque mille milliards d'interactions possibles… Grâce aux toutes dernières avancées technologiques, nous avons pu quantifier simultanément des milliers de molécules et analyser toutes leurs interactions. Nous avons ainsi identifié 110 composés bioactifs aux propriétés anticancer clés. Puis nous avons passé au crible tous les aliments en fonction de leur teneur en ces molécules. Résultat : celles­-ci abondent par exemple dans le thé, les carottes, le céleri, l'orange, le raisin, la coriandre, le chou ou l'aneth. Au passage, nous avons découvert aussi des choses qu'on ne soupçonnait pas, comme le fait, par exemple, que le thé et l'ail ont plus de 100 molécules en commun.             

ELLE. Par ailleurs, vous vous penchez également, depuis peu, sur les aliments qui pourraient aider à combattre ou à traiter le Covid-19…

K.V. Il y a en effet beaucoup d'études sur les traitements médicamenteux et les vaccins contre le coronavirus, mais très peu s'intéressent au rôle éven­tuel de l'alimentation. Dans le cadre du programme Corona­AI, mené en collaboration avec la Yale School of Public Health, nous utilisons la même approche que précédemment, mais pour découvrir comment réduire la durée et la gravité du Covid­19 grâce, entre autres, à des molécules anti­virales contenues dans les aliments. En l'espace de six mois, nous en avons ainsi découvert 52. Parmi elles, des flavonoïdes, des terpénoïdes, des coumarines et des indoles, présents dans les baies (notamment cassis, canneberge et myrtille), les pommes, l'orange, le citron, mais aussi les légumes crucifères (choux, choux­fleurs, brocolis…), l'oignon, l'ail et les haricots. En complément des traitements médicaux, ces substances pourraient empêcher le virus de se répliquer une fois entré dans l'organisme, et aider notamment ceux qui souffrent d'un Covid long.

ELLE. Les modes de cuisson altèrent-ils les molécules actives ?

K.V. Oui ! Faire bouillir les aliments modifie leur composition moléculaire. Et la friture fait disparaître un très grand nombre de composés bioactifs. Donc il est toujours préférable de privilégier les aliments crus, par exemple sous forme de smoothies ou de salades, ou fermentés. Vous trouverez ainsi dans notre livre de recettes « Hyperfoods Cookbook »* une recette de kimchi et une autre de kvas, une boisson pétillante et rafraîchissante à base de pain fermenté.

ELLE. Ce livre consacré aux aliments anticancer est mis à disposition du public gratuitement, tout comme le sera le deuxième, dédié aux antiviraux. Pourquoi ?

K.V. Une récente étude publiée dans « The Lancet » nous apprend qu'un décès sur cinq dans le monde est lié à une mauvaise alimentation, et que ce n'est pas nécessairement la junk food qui est en cause, mais le manque d'aliments sains consommés au jour le jour. Aujourd'hui, près de la moitié des cancers pourraient être évités en faisant des choix plus judicieux en matière d'alimentation et de mode de vie. Nous avons donc voulu sortir la science du labo et la rendre plus accessible, non pas en interdisant certains aliments, mais en incitant les gens à augmenter leur consommation d'aliments riches en substances actives, par des recettes faciles et appétissantes, twistées pour optimiser leur potentiel anticancer ou antiviral. Il ne s'agit pas de remplacer les médicaments prescrits par des médecins, mais d'améliorer leur efficacité. Les relations entre l'alimentation et la maladie constituent un domaine d'étude qui suscite de plus en plus d'intérêt. Aux États-Unis, les National Institutes of Health (NIH) ont ainsi annoncé récemment un investissement de 1,9 milliard de dollars par an pour accélérer la recherche sur la nutrition durant les dix prochaines années. Tout cela est donc très prometteur et il faut que le plus grand nombre possible d'individus puisse bénéficier des découvertes.

* Téléchargeable gratuitement (en anglais) sur le site kitchen-theory.com

5 ATOUTS ANTICANCER ET ANTI-COVID

LES POMMES : mangez des pommes, disait-on… à raison ! Non seulement celles-ci se distinguent avec plus de 20 molécules bioactives antivirales, dont la quercétine, la galangine et le kaempférol, mais elles auraient également un effet protecteur contre le cancer du côlon, surtout si on consomme aussi la peau (d'où l'intérêt redoublé de choisir des fruits bio).

LE THÉ : il abonde en molécules anticancéreuses issues des catéchines (gallate d'épigallocatéchine), des terpénoïdes (lupéol) et des tannins (procyanidine), aux effets puissants et complémentaires. Le thé vert retarderait l'apparition du cancer, réduirait les risques de récidive après traitement et augmenterait les chances de rémission.

LE CASSIS : dans la famille des baies, ne négligez pas ce petit fruit, qui peut se vanter de contenir plus de 20 molécules bioactives antivirales, dont des dérivés de la quercétine, réputée pour ses propriétés antioxydantes, anti-inflammatoires et antihistaminiques.

LE PERSIL : cette plante aromatique affiche une quinzaine de molécules bioactives antivirales, dont l'apigénine, un flavonoïde également abondant dans la coriandre et dans l'aneth, qui empêcherait la prolifération des cellules cancéreuses.

LE CHOU : de nouvelles études révèlent que la consommation de crucifères améliorerait nos défenses contre le Covid-19. Pas étonnant, quand on sait que la famille des choux compte plus de 20 composés bioactifs antiviraux, dont les indoles. L'indole-3carbinol est en outre réputé comme une des plus puissantes molécules anticancer.

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